En Belgique, l’inclusivité numérique est dans un angle mort

Applis mobiles : agir en faveur de l'accessibilité

À compter du 23 juin 2021, toutes les applications mobiles des organismes publics doivent être accessibles, quel que soit le handicap de l’usager. Et ce, grâce à l’entrée en vigueur d’une directive européenne. Mais en Belgique, on est loin du compte, alerte l’association Eqla (ex-Œuvre nationale des aveugles). Seules 5 % des applications mobiles sont accessibles aux personnes en situation de handicap.

Après les sites internet des organismes du secteur public, c’est au tour des applications de devoir être accessibles pour les personnes en situation de handicap. Et ce, grâce à la directive européenne UE 2016/2012 transposée dans la loi belge. En effet, à compter du 23 juin 2021, toutes les applications mobiles proposées par les communes, les SPF, les SPW, mais aussi par les organisations et entreprises publiques doivent être utilisables par tous, quel que soit le handicap de l’usager. Le but est de venir en aide aux 15 % de la population belge qui souffrent d’un handicap visuel, auditif, cognitif ou moteur.

Pour accéder à l’information numérique, les personnes aveugles et malvoyantes doivent utiliser une interface sous une forme qu’elles peuvent maîtriser facilement. Or, à défaut d’un codage inclusif, rares sont les applications mobiles entièrement « lisibles » par des non-voyants et des malvoyants. La plupart présentent des défauts qui rendent impossible l’accès à certains services ou informations aux logiciels de synthèse vocale.

« Aujourd’hui suivre un colis postal, faire un virement bancaire, prendre rendez-vous dans une administration et acheter un billet de train : toutes ces démarches se font par internet, et de plus en plus via des applications mobiles. Or, les statistiques montrent régulièrement qu’une partie de la population ne peut pas accéder à ces services », explique Harielle Deuheuy, chargée de projets nouvelles technologies chez Eqla.

Qu’est-ce qu’une appli accessible ?

« Une application accessible, explique Harielle Deheuy, est une application structurée et balisée, qui respecte les normes des Web Content Accessibility Guidelines (WCAG) – des référentiels définis par un groupe international d’experts. Le niveau zéro de l’accessibilité, à l’inverse, c’est une application dont les champs, les textes et les formulaires ne sont pas accessibles autrement que par la vue. L’information n’étant pas codée correctement, elle ne peut être exploitée par les logiciels de synthèse vocale qu’utilisent les non-voyants et certains malvoyants », explique Harielle Deheuy.

Et d’insister : « Rendre une application accessible, cela demande peu d’efforts d’adaptation. Seulement, en Belgique, les experts du numérique ne sont ni sensibilisés ni formés à la question de l’inclusion. Or l’inclusivité numérique devrait être un réflexe et une priorité pour tous. Et ce, dès la conception et la construction des sites internet et des applications mobiles ».

Les services publics belges ont un devoir d’exemplarité

Contrairement à d’autres États membres, la Belgique n’applique pas de sanctions aux organismes du secteur public dont les sites et les applications ne sont pas accessibles. En France, en cas de non-respect de cette réglementation, une amende de 2 000 euros peut être infligée à une collectivité de moins de 5 000 habitants, et monter à 25 000 euros pour certaines entreprises privées. Malgré des avancées, telles la directive européenne relative à l’accessibilité numérique, seuls 5 % des sites internet et des applications en Belgique sont accessibles aux personnes en situation de handicap.

« Les services publics peuvent jouer un rôle de modèle dans la promotion de l’accessibilité numérique pour tous. Cette directive vient les rappeler à leurs devoirs, car environ 25 % de Belges se retrouvent en situation de handicap sur le web. Qu’elles soient aveugles, malvoyantes, en situation de handicap auditif, physique, moteur, cognitif ou mental, les personnes à besoins spécifiques ne sont pas des citoyens à part, mais bien des citoyens à part entière », explique Rafal Naczyk, porte-parole d’Eqla.

Pour remédier à cette forme de discrimination, l’ASBL Eqla sensibilise et accompagne une série de services publics comme Actiris, le Forem ou la Stib. L’association forme aussi des non-voyants et des malvoyants au codage informatique, au travers des formations BlindCode à Bruxelles et en Wallonie. À terme, les étudiants BlindCode seront de futurs experts en accessibilité numérique, capables d’agir en tant que référents au sein des entreprises publiques et privées.

L’UNION EUROPÉENNE ET L’ACCESSIBILITÉ NUMÉRIQUE : OÙ EN SOMMES-NOUS ?

La Directive (UE) 2016/2102 relative à l’accessibilité des sites internet et des applications mobiles des organismes du secteur public étend, comme son nom l’indique, le champ d’application aux applications mobiles. Cette directive s’applique depuis le 22 décembre 2016. Les pays de l’Union européenne l’ont transposée dans leur droit national le 23 septembre 2018. Depuis, ils appliquent ces dispositions selon le calendrier suivant :

    • à compter du 23 septembre 2019 pour les sites internet qui ne sont pas créés avant le 22 septembre 2018 ;
    • à compter du 23 septembre 2020 pour tous les autres sites internet des organismes du secteur public ;
    • à compter du 23 juin 2021 pour les applications mobiles des organismes du secteur public.

D’ici 2025, la nouvelle directive européenne 2019/882 “produits et services” étendra l’obligation à des acteurs du secteur des médias audiovisuels, des transports ferroviaires et aériens, mais aussi du secteur bancaire et du e-commerce.

Cette directive devra être transposée par tous les États membres d’ici le 28 juin 2022, avant son entrée en vigueur en juin 2025.