Comment Roger, malvoyant, se prépare à vivre avec la cécité

Comme 1 personne sur 100 en Belgique, Roger est malvoyant. À 53 ans, il a appris qu’il allait perdre la vue. Comment vit-il avec sa rétinite pigmentaire ? Comment appréhende-t-il la cécité ? Témoignage.

Comment as-tu découvert ta malvoyance ?
À l’époque, je circulais beaucoup en camion. Et puis soudain, en 2014, ma vue a commencé à se détériorer. C’est en prenant rendez-vous chez un ophtalmologue qu’on m’a découvert une rétinite pigmentaire. Une maladie du nerf optique qui me fait perdre mon champ de vision.

Pourrais-tu nous décrire comment tu vois ?
Toute ma vision périphérique s’efface depuis quelques années. Je vois le monde en tunnel, comme si je regardais à travers un trou de serrure. À l’heure actuelle, j’ai un champ de vision réduit à 5° là où la vision optimale chez une personne voyante se situe entre 180° et 130°. Je n’ai presque plus de vision périphérique, mais je ne suis pas aveugle pour autant. Avec le temps, ma vision centrale est également altérée. Je ne vois plus les détails et je sais que, malheureusement, c’est une maladie qui mène à la cécité. car les non-voyants étant minoritaires, je ne voulais surtout pas que l’on ait une mauvaise image.

« J’ai appris, coup sur coup, qu’on ne peut pas guérir la rétinite pigmentaire et qu’avec le temps, j’allais perdre la vue. J’en ai fait une dépression. »

Roger Piret, ambassadeur de la campagne “Ça nous regarde

Comment as-tu appris ta maladie ?
Chez moi, la maladie a été décelée il y a à peine 9 ans, mais je pense qu’elle a dû se déclarer 15 ans plus tôt. Sauf que je ne m’en suis pas rendu compte… Il n’y a que quelques petits détails, des choses que je prenais pour des coups de fatigue ou de petits ‘moments de distraction’ sur la route qui m’ont mis la puce à l’oreille. Or, quand on se retrouve avec un camion dans les mains, c’est presqu’une arme. 

Comment as-tu réagi ?
À l’annonce du diagnostic, j’ai accueilli la maladie comme un coup de massue. Mon ophtalmologiste n’a rien voulu me dire… C’est un spécialiste qui m’a annoncé l’étendue des dégâts. J’ai appris, coup sur coup, qu’on ne peut pas guérir la rétinite pigmentaire et qu’avec le temps, j’allais perdre la vue. J’en ai fait une dépression. Pendant des mois. La seule chose à faire, c’était de resurgir et de se préparer à vivre avec la malvoyance. Surtout qu’à ma rétinite s’est ajoutée une cataracte aux deux yeux. Résultat : je cumule deux types de malvoyance.

Quel impact ont ces malvoyances sur ton quotidien ?
Ma rétinite pigmentaire m’empêche de voir dans le noir. Je deviens aussi très sensible à la lumière et, surtout, je ne distingue plus rien sur les côtés. Quand je sors dans la rue, je vois le trottoir mais pas les passants. Quand je regarde une tartine, je n’en vois jamais les extrémités… Mais à cause de ma cataracte, je suis aussi tout le temps dans le brouillard. Et les lunettes ne peuvent rien corriger.

Roger, malvoyant, avec son ami Christian qui découvre sa vision tubulaire au Tombeau du Géant à Bouillon
Roger, malvoyant, avec son ami Christian qui découvre sa vision tubulaire au Tombeau du Géant à Bouillon.

Pourquoi as-tu voulu témoigner ?
Pour aider les gens à prendre conscience d’aller faire des dépistages. Nous nous abîmons les yeux au quotidien, sans nous en rendre compte. Or il est essentiel de préserver une vue correcte le plus longtemps possible. Nos yeux sont un bien précieux. À nous d’en prendre le plus grand soin.

« Les voyants ne se rendent pas compte de la chance qu’ils ont… mais il est possible de continuer à vivre, malgré la malvoyance. »

Roger Piret, ambassadeur de la campagne “Ça nous regarde

As-tu un message pour celles et ceux qui, comme toi, perdent la vue ?
De tenir bon, parce que ce n’est vraiment pas évident. Les bon-voyants ne se rendent pas compte de la chance qu’ils ont… mais il est possible de continuer à vivre, malgré les difficultés qu’engendre la malvoyance. À condition d’en parler, de bien s’entourer et de se faire bien accompagner. Moi, j’ai eu la chance d’avoir un ami, Christian, une nouvelle compagne et Eqla à mes côtés. Aujourd’hui, je profite du peu de vue qu’il me reste et je me prépare à vivre avec la cécité.


VOUS VOULEZ MIEUX COMPRENDRE LA DÉFICIENCE VISUELLE ?
En Belgique, 1 personne sur 100 est malvoyante… et ça ne se voit pas. Souvent peu reconnue, la malvoyance est un handicap invisible, dont les symptômes varient d’une personne à l’autre. Ils peuvent prendre plusieurs années avant de se manifester.

➡️ Pour plus d’infos, découvrez la nouvelle campagne de sensibilisation d’Eqla sur www.çanousregarde.be