Comment faire du vélo quand on est aveugle ou malvoyant ?

Le groupe de cycliste en tandem Cyclone-A avant le départ

Si quelques rares sports ont été créés spécifiquement pour les personnes déficientes visuelles, les personnes aveugles et malvoyantes peuvent pratiquer de nombreuses activités sportives, seules ou accompagnées, en club ordinaire ou adapté. Rencontre avec des passionnés de cyclisme qui pratiquent le vélo en tandem. 

Faire du vélo quand on est non- ou malvoyant, c’est a priori impossible. Mais en tandem, c’est une vraie partie de plaisir, et c’est ce que propose Cyclone-A, un club de cyclotourisme pour personnes déficientes visuelles. Fondée en 1987, l’association Cyclone A est la contraction de « Cycle » et de l’« Œuvre Nationale des Aveugles » (ONA, l’ancien nom d’Eqla) avec laquelle elle partage son passé. Si l’association compte une petite dizaine de vélos, ces « petites reines » ne sont pas des vélos classiques, mais des tandems permettant ainsi aux mal et non‑voyants de pédaler en plein air. Tous les mardis soirs et un dimanche par mois, une dizaine de duos de pilotes voyants et de cyclistes avec un handicap visuel enfourchent un tandem. Ils partent en balade sur les cycloroutes ou pistes cyclables depuis leur local bruxellois avec un but : faire pratiquer le vélo aux personnes déficientes visuelles.

Didier, non-voyant, ravi de pouvoir rouler à vélo.

Au-delà des bienfaits pour la santé physique et mentale, le vélo a d’immenses vertus, dont celles de développer l’estime de soi et de contribuer à créer du lien social et de favoriser l’inclusion si on encourage la pratique en mixité (avec des personnes voyantes). Le sport cycliste donne aussi la possibilité d’élargir l’horizon des possibles pour les personnes porteuses d’un handicap visuel. « Quand j’étais plus jeune, je faisais beaucoup de cyclisme, mais lorsque j’ai perdu la vue j’ai cru que je ne pourrai plus jamais remonter à vélo. C’était avant de découvrir le vélo en tandem : en duo non-voyant — voyant. Non seulement, ça permet de se maintenir en forme mais c’est aussi une source de bien-être, puisque le corps sécrète des endorphines, l’hormone du plaisir », explique Didier, non-voyant. Et de poursuivre : « Au début, je n’étais pas très à l’aise sur le tandem. Il y a un temps d’adaptation. Ce sont des codes à avoir avec le pilote, quand on démarre, quand on s’arrête… surtout qu’on ne voit pas. Ce sont des sensations avec lesquelles il faut se familiariser. »

Ruth sur son vélo avant le départ.Comme lui, cela fait quelques années que, malgré sa cécité, Ruth abat des dizaines de kilomètres à vélo. En duo avec Marc, son pilote voyant. « Lui, ce sont mes yeux et ma sécurité, mais c’est moi qui donne le tempo », sourit Ruth. « Les deux pédaliers sont reliés. On ne sait donc pas pédaler l’un sans l’autre. Il faut une belle coordination car si l’équipage ne fonctionne pas, le tandem n’avance pas. » Et il faut l’avouer : du haut de ses 50 ans, Ruth a un sacré coup de pédales qui lui permet de parcourir la Wallonie, la Flandre et la ceinture bruxelloise à grandes enjambées.

Pour les voyants : donner un sens à leur pratique

Comment se pratique ce sport partagé ? « Le tandem, c’est un sport d’équipe. Nous sommes deux à pédaler et donc à fournir un effort. Moi, j’apporte juste la sécurité du guidon. Et à chaque fois qu’on traverse un nouveau paysage ou une route plus difficile à pratiquer, j’essaie d’apporter un maximum de descriptions pour que Ruth puisse se faire une idée des endroits par lesquels nous passons », confie Marc, pilote volontaire.

Marc, pilote pour l'association Cyclone-A.Pour eux, le tandem c’est aussi une activité sociale qui se prolonge dans le temps. « Quand on le pratique régulièrement, le sport partagé comme le tandem a un meilleur pouvoir inclusif que des actions ponctuelles de sensibilisation au handicap, limitées à une journée ou quelques heures. Moi, c’est le sport qui m’a ouvert les yeux sur le quotidien des personnes déficientes visuelles. Nous avons beaucoup de choses à partager », explique Marc. Le sport est aussi pourvoyeur d’autres bienfaits. Il contribue à la construction du schéma corporel et à améliorer la locomotion : « en faisant du sport, les personnes déficientes visuelles deviennent plus autonomes », observe encore Ruth. « Ils acquièrent une meilleure représentation de leur corps dans l’espace, prennent conscience de ce qui les entoure. » C’est également un moyen d’aiguiser les autres sens utiles au quotidien, l’ouïe ou les sensations kinesthésiques, permettant d’améliorer la coordination et le déplacement du corps dans l’espace.

Une activité ouverte à toutes et tous

Si ces sorties sont possibles, c’est grâce au dévouement d’un trio de bénévoles : Jean-Paul Dejaegher, Ruth Previtali et Alain Thonet. Ce passionné de vélo s’occupe aujourd’hui d’acheter les tandems, de les réparer et d’organiser les trios « pilote, copilote, tandem ». Avec une règle : changer les trajets et les duos à chaque sortie pour favoriser les rencontres et les expériences.

Le groupe de vélos tandems sur la route.

Qu’ils filent à travers les champs, le Pajottenland, le Brabant flamand ou les routes wallonnes qui encerclent Bruxelles, les tandems s’adaptent à tous les publics, hommes ou femmes, jeunes ou moins jeunes. Les sorties de Cyclone A ont lieu une fois par semaine les mardis et une fois par mois les dimanches, après la saison hivernale (de fin mars à novembre). Pendant une demi-journée, l’association propose des balades sur les cyclostrades, les Ravels et autres pistes cyclables avec des parcours de 40 à 70 km. Et, bien sûr, avec tout le monde : retraités comme étudiants, hommes comme femmes. « Chaque semaine, c’est un pilote qui choisit l’itinéraire et on se laisse guider On est un peu plus de 10 pilotes et autant de copilotes déficients visuels, mais nous aimerions beaucoup agrandir le nombre de pilotes voyants car la demande est très forte. Il y a de plus en plus de femmes et de jeunes déficients visuels qui aimeraient pratiquer le tandem, explique Jean-Paul Dejaegher, président de Cyclone A. Le seul conseil que je peux donner aux non-voyants qui débutent, c’est d’essayer et d’oser ! » Une petite heure de pratique suffit pour apprivoiser le tandem. La suite, c’est du pur plaisir… en duo !


OÙ PRATIQUER LE VÉLO EN TANDEM ?

Le vélo tandem : où commencer ?

En Belgique, plusieurs clubs et associations proposent aux personnes déficientes visuelles de pratiquer, tout au long de l’année, le tandem soit de façon sportive et en compétition, soit en tant qu’activité de loisirs ou de randonnées.

👉🏻 Voici une sélection de clubs qui s’adressent essentiellement à des personnes de la Région wallonne et bruxelloise :

  • À Bruxelles :
    ASBL Cyclone A
    www.cyclone-a.be
    📧 par mail : inscriptionpilotes@cyclone-a.be
    ☎️ par téléphone au 02/608 32 61 ou au 0472 59 26 27

    ➡️ L’asbl Cyclone A organise chaque mois des sorties à vélo tandem (environ 70 km A/R) les dimanche et les mardi soir (sorties plus sportives).

    En ce moment, l’association recherche de nouveaux pilotes voyants, jeunes et moins jeunes, pour rouler en tandem.

  • En Wallonie :
    ASBL Cyclocœur
    www.cyclocoeur.be
    📧 par mail : inscription@cyclocoeur.be
    ☎️ par téléphone au 0473 81 39 23

    ASBL Tand’Aime
    📧 par mail : asbl.tandaime@gmail.com
    ☎️ par téléphone au 0496 10 18 76